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La Chauderaie

Vers 1900 maître Petrus Bernard, notaire, achète à la famille Annat une propriété de 21 hectares rattachée auparavant à La Falconnière. On dit qu’il s’engageait à ne pas cacher la vue des Monts du lyonnais aux Annat !… Il construit cependant un belle maison qui existe encore en 2024. Après la première guerre mondiale sa veuve vend le domaine aux dames de Nazareth qui en font un pensionnat de jeunes filles vers 1930. Voir par ailleurs la rubrique « Ecoles privées ». Fait peu connu, le bâtiment sert d’hôpital tenu par la Croix Rouge en 1939 – 1940 (80 lits). En 1960 les jésuites achètent la Chauderaie qui devient « une maison de campagne pour les théologiens de Fourvière » et une résidence pour des pères âgés. En 1968 la propriété n’accueille plus que des pères âgés, de plus en plus nombreux. Au fil des ans les bâtiments sont agrandis et aménagés, le financement étant assuré au moins en partie par la vente d’une partie des terrains (garages Peugeot et Volkswagen, zone d’activité et parc municipal). Le lieu est devenu une vraie « maison de retraite ». A partir de 2002, des travaux de mises aux normes sont réalisés pour en faire un EHPAD de 34 lits qui accueille aussi des personnes extérieures à l’ordre des jésuites.

Sans doute parce que cet EHPAD ne peut pas accueillir suffisamment de pensionnaires, il a été décidé de le mettre en vente. Les résidents ont déjà été répartis dans d’autres établissements.

De l’hôpital Antoine Charrial aux Grandes Voisines

entree Grandes Voisines pour webAntoine Charrial (1885 – 1965) était un syndicaliste du bâtiment ancien président de la Confédération des Sociétés Coopératives Ouvrières de Production (SCOP), adjoint au maire de Lyon. Il a été administrateur des Hospices Civils de Lyon. On a donné son nom à l’hôpital Antoine Charrial fondé vers 1970. Les « mauvaises langues » disaient que la commune de Francheville enregistrait un nombre anormalement élevé de décès par rapport à  sa population car il s’agissait d’un hôpital gériatrique de 234 lits (médecine, long séjour, hébergement). L’établissement a fermé et les derniers patients ont été transférés en février 2021 à l’hôpital Pierre Garraud.

Moyennant quelques aménagements intérieurs, les bâtiments abritent depuis 2020 « Les Grandes Voisines » centre d’hébergement de « Sans Abris » géré conjointement par le Foyer Notre Dame des Sans-Abris et l’Armée du Salut. Une convention gère l’occupation des lieux jusqu’en 2026 (renouvelable 3 ans supplémentaires).

L’aspect du bâtiment hospitalier n’a pas changé

Sans trop rentrer dans les détails on peut dire que 275 personnes sont hébergées dont 190 enfants. Il y a environ 2/3 de familles pour 1/3 de personnes seules.

200 personnes sont salariées sur le site dont 60 dans les « services » (nettoyage, blanchisserie…) en vue de leur insertion professionnelle. La durée du séjour peut être assez longue compte tenu des difficultés: formalités administratives, formation professionnelle, maîtrise du français…

 Différentes activités porteuses de projet sont présentes: décoration, microbrasserie (La Bière d’en-haut), bricolage, réparation, ainsi que des activités sociales auxquelles tous les franchevillois ont accès(pôle santé, ludothèque, épicerie sociale).

Plus surprenant, un hôtel 3 étoiles (Le Grand Barnum, 27 chambres) et un restaurant (La Petite Syrienne) occupent une partie du bâtiment. Ils sont évidemment ouverts au public.

 

 Des évènements culturels (concerts…) peuvent être organisés en liaison avec les autorités des communes du secteur (Francheville, Craponne, Tassin).

La Terrasse bel-air, ancienne propriété Boisson de Chazournes puis Taurellerie

La famille Boisson de Chazournes possédait cette propriété depuis 1922. On y trouvait une grande maison bourgeoise datant du début du XIXème siècle. La maison et son terrain de 6 hectares sont vendus en 1949 à la fédération des producteurs de lait du Bassin Lyonnais (coopérative) pour y installer un centre d’insémination artificielle pour les bovins. Ce dernier a connu un grand développement, hébergeant 160 taureaux en 2010. Il était notamment spécialisé dans les races Abondance et Tarentaise, connues pour leur « rusticité » (intérêt pour les pays en voie de développement). Un laboratoire était chargé de sélectionner les meilleures semences en se basant sur la mobilité des spermatozoïdes sous le microscope. Les contraintes sanitaires et environnementales et l’accroissement de l’activité amènent la coopérative à quitter le site pour s’installer à Brindas sur un terrain de 55 hectares. Les bâtiments se dégradent (cf. photos) et l’ensemble est finalement racheté par Eiffage qui doit y installer logements, commerces, école, salle polyvalente, place publique  et parkings en sous-sol… La maison bourgeoise sera rénovée et conservée, ainsi que les plus beaux arbres.

Vue côté jardin. Noter que la maison est partiellement en pisé. Elle sera restaurée.

Une toute petite partie des étables

Reste d’un abreuvoir

Salle de préparation des taureaux. Ils sont très lourds et dangereux, d’où les poteaux pour protéger le personnel.

C’est là que le taureau donnait « le meilleur de lui-même »

L’entretien du terrain est provisoirement confié à… des lamas!

L'allée
L’allée cavalière de la propriété. Un entretien s’avère nécessaire si elle est conservée.

 

 

 

Les Platanes, alias le Marrox

Très bien placé, le café-restaurant « les Platanes »  situé à l’angle de la Grande Rue et de l’avenue du Chater était connu depuis toujours par les « anciens ». Vers l’an 2 000 il a été renommé « Le Marrox ». Victime d’un incendie en 2 006 il n’a jamais été remis en état. Sa démolition a été effectuée en février 2 022 et son remplacement par un immeuble de 26 appartements est programmé pour fin 2 022.

Le bâtiment étant en pisé, il a fallu arroser le chantier pour éviter la poussière.

LACENAIRE, dandy, assassin, escroc, déserteur… et écrivain

                                       Pierre François Lacenaire est né le 20 décembre 1803 à Lyon. A cette époque ses parents Jean-Baptiste Lacenaire et Marguerite Gaillard habitaient 18 rue du Vieux-Château à Francheville (maison dite « Reyre-Félissent » actuellement, voir l’article correspondant du site). Ils avaient acheté ce logement en 1799 et l’ont occupé jusqu’à fin 1810. Mariés en 1793, ils n’eurent leur premier enfant qu’en 1799. Il fut suivi de 12 autres, très rapprochés (13 grossesses entre 1799 et 1809). Seulement six de ces descendants survécurent à la petite enfance. Cas fréquent à l’époque. Pierre François était le quatrième.

Si on en croit ses mémoires, son enfance fut malheureuse. Son père « rentier » était autoritaire et jaloux, à tel point que sa mère vivait une existence retirée. Pierre François n’était pas un enfant désiré. Placé immédiatement en nourrice (habitude fréquente dans les familles aisées), il s’était attaché à cette « seconde mère » et le retour dans la famille lui tira des larmes. Sa mère en conclut qu’il était un « enfant maussade et détestable » (mémoires p. 19) et le confia à Marie, une vachère de 17 ans promue bonne d’enfant pour la circonstance. Il en parle en termes émouvants tant leur tendresse réciproque, pendant dix ans, était grande:

«  Ô vous, qui voudriez voir le modèle de toutes les vertus sur la terre, allez à Francheville, c’est là que vous trouverez sans doute encore aujourd’hui cette femme, je peux dire sublime dans son état d’abaissement. »

Si nous insistons sur cette période franchevilloise, c’est parce que la petite enfance conditionne la personnalité. Un dernier mot à ce sujet:

« Lorsque je fus convaincu que rien ne pouvait me gagner le cœur de mes parents et les faire revenir de leur partialité pour mon frère, je descendis dans ma conscience, et je me demandai, de bonne foi, s’il y avait de ma faute; ma conscience me répondit que non; alors je cessai tout à fait de m’en affecter, et je me raidis contre leur froideur. Dès ce moment mon cœur fut fermé à mon père, et s’il n’en fut pas de même pour ma mère, c’est qu’un fils ne peut jamais cesser d’aimer sa mère. »

La famille quitta  Francheville pour Lyon, ville plus favorable pour les études de Pierre François et son frère qui étaient dans la même institution. Cela n’a pas duré car le frère était moins doué que lui. Il était pourtant le préféré de ses parents, d’où la jalousie de Pierre François. Cette période d’études a été chaotique: placé dans un établissement éloigné (à Saint Chamond) il en est renvoyé « pour avoir défendu le protestantisme devant un de ses camarades » et mis dans un petit séminaire à l’ambiance particulièrement rigide et rétrograde, puis dans un collège de jésuites de Lyon. C’est alors que Lacenaire commit sa première escroquerie aux dépends de son père en lui présentant une fausse facture du proviseur lui réclamant des frais de scolarité dans le but d’en encaisser le montant.

Passant place des Terreaux avec son père et y voyant par hasard la guillotine dressée pour une exécution il s’attira cette remarque « Tiens, regarde, c’est ainsi que tu finiras si tu ne changes pas. »

De sa jeunesse franchevilloise et lyonnaise Pierre François Lacenaire a gardé une grande misanthropie et un « esprit d’irréligion » .

La suite de sa vie telle que décrite dans ses mémoires peut difficilement se résumer. Après quelques petits travaux chez un avoué, un notaire, un banquier, il s’engage pour rapidement déserter. Il perd au jeu l’argent qu’il gagne en travaillant ou en escroquant les autres, y compris ses proches. Il reconnaît lui-même ne pas supporter d’avoir les poches vides et vouloir vivre au-dessus de ses moyens. Il parle de son premier crime avec désinvolture. Son adversaire l’ayant dénoncé à la justice, il l’entraîne dans les bois, le provoque en duel en lui tendant deux pistolets dont un seul est chargé. Il s’arrange pour que sa victime prenne celui qui est vide. Après avoir tiré en plein visage il laisse sur place le pistolet qui a réellement tiré pour faire croire à un suicide.

Après avoir encore tiré de l’argent de quelques victimes il s’adresse à ses parents. Son père accepte de l’aider une dernière fois à condition qu’il s’engage, ce qu’il fait avec 100 écus en poche donnés par sa mère. Ayant déserté de nouveau il retourne à Lyon pour apprendre que ses parents ont déménagé en Belgique suite à une banqueroute et se réfugie… à Francheville chez sa « bonne Marie » .

Se retrouvant ensuite à Paris, sans le sou, il décide « de devenir le fléau de la société« . Une escroquerie supplémentaire le mène en prison où il apprend l’argot et « presque toutes les manières de voler ».   A cela s’ajoute un sentiment de vengeance et de haine de la société, sans compter le cynisme et le mépris de soi (il dissèque son cerveau dans la préface de ses mémoires). Pendant son séjour « à l’ombre » il s’est aussi essayé à la poésie et devient écrivain public à la sortie, ce qui ne l’empêche pas de continuer à voler, en faisant notamment des faux en écriture (c’était un « professionnel » en la matière!). Comme on pouvait s’y attendre il a fait d’autres séjours en prison, ce qui lui ont donné du temps pour écrire. Un directeur de journal a publié quelques unes de ses œuvres. La collaboration a peu duré car il s’est jugé mal payé et, humiliation suprême, on lui a proposé d’être porteur de journaux.

Comme il l’a écrit lui-même, Lacenaire, il était une tête, il lui fallait un bras, qu’il a trouvé en la personne du menuisier Avril connu en prison. Chardon était un truand connu également en prison qui voulait le dénoncer pour ses nombreux faux, d’où une haine mortelle contre lui. Ensemble ils assassinent Chardon et sa mère. Lacenaire disparaît, mais comme il faut bien vivre, il commet encore des faux en écriture et c’est pour cela qu’il se fait prendre, à Beaune. Ayant arrêté Avril qui l’a dénoncé, la police ne tarde pas à trouver que l’escroc, malgré un faux nom, et l’assassin ne font qu’un.

D’après le portrait que nous avons de lui, Lacenaire n’avait pas du tout l’aspect d’un criminel de bas-étage mais plutôt d’un dandy, à la différence d’Avril. Il a donné libre cours à ses talents théâtraux lors de son procès d’assises du 12 au 14 novembre 1835 et à ses talents littéraires en prison. Ses mémoires en font foi. Son pourvoi en cassation a été rejeté et il a été guillotiné le 9 janvier

Sa vie a inspiré de nombreux auteurs et scénaristes.

« Les enfants du paradis », chef-d’œuvre de Marcel Carné sorti en 1945 met en scène un Lacenaire (Marcel Herrand) conforme à sa légende: fripouille et cynique. Il n’est pas le personnage principal, le film racontant les amours difficiles de Baptiste (Jean-Louis Barrault) et Garance (Arletty). La mise en scène de la foule fêtant le carnaval dans la dernière séquence est tout à fait remarquable.

Un autre film « Lacenaire » de Francis Girod est sorti en 1990. Daniel Auteuil est Lacenaire.